26.01 > 25.03.2007
En une dizaine d’années d’un parcours cohérent, Anna Malagrida ne cesse d’explorer, par des séries successives qui sont autant d’angles d’attaque, la question de la limite entre espace public et espace privé. À cette limite elle donne souvent la forme d’une fenêtre, qui perd alors sa fonction classique de point de vue sur le monde pour devenir le point de passage entre univers intime et monde extérieur. Dans ce rôle, l’écran peut logiquement se substituer à la fenêtre dont il devient l’équivalent.
Sous le titre En dehors, l’exposition du Centre de photographie de Lectoure réunit deux séries photographiques, Intérieurs et Paysages, et une installation, La Dormeuse. L’ensemble est habité par des personnages pensifs et rêveurs, plongés dans des états d’intimité que vient surprendre le regard du spectateur. Celui-ci n’a pas d’autre choix, s’il veut échapper à sa position d’intrus, ou parfois de voyeur, que de retrouver la conscience de son propre regard. Avec leur ambiance claire obscure et leurs personnages plongés en eux-mêmes, les scènes photographiées par Anna Malagrida invitent justement à ce retour à soi.
“Dans l’ensemble de l’œuvre d’Anna Malagrida, les images font écho entre elles, dans la même série, mais aussi d’une série à l’autre. […] Dans tous ses travaux, Malagrida explore des univers limites, qui incarnent la fragmentation et la discontinuité dans lesquelles se meut notre expérience quotidienne. […] D’une certaine manière, le travail d’Anna Malagrida évoque l’état d’oscillation fragile et permanente de notre société contemporaine : entre le réel et le virtuel, le naturel et l’artificiel, entre moi et l’autre […].”
– Marta Gili, Anna Malagrida, fotografías e instalaciones, Actar 2006
Intérieurs (2000 – 2002)
“La série Intérieurs est elle-même constituée de deux séries, conçues séparément mais qui ont toujours été montrées ensemble. Dans les portraits, les photos représentent des scènes intimes. […] Les modèles […] posent dans leur intérieur, à la tombée du jour, seuls ou en couple. Ils paraissent concentrés sur quelque chose d’extérieur qui exclut le spectateur. La lueur qui éclaire les visages sépare les personnages de leur environnement et les plonge dans une atmosphère d’isolement psychologique.”
– Mònica Regàs, Anna Malagrida, fotografías e instalaciones, Actar 2006
La Dormeuse (2003 – 2006)
Un lit, deux tables de nuit, une chaise et une fenêtre à travers laquelle on croit deviner le paysage. Sur le lit, un corps projeté dort. À première vue, cette installation n’est qu’une banale métaphore de l’intimité.
“Les scènes que l’on croit apercevoir par la fenêtre sont en réalité un montage d’images d’archives de la guerre du Golfe : des images prises par des caméras à infra-rouges, confuses, floues, comme celles des premiers jeux vidéo. Seuls le bruit des bombes et des missiles, et les sirènes, omniprésentes, nous rappellent l’existence du conflit. Avec cette installation, Anna Malagrida réussit une métaphore d’une société, la nôtre, léthargique devant un spectacle visuel aussi séduisant que difficile à décrypter, mais qui réussit à pénétrer au fond de notre intimité et donc de notre inconscient.”
– Mònica Regàs, Anna Malagrida, fotografías e instalaciones, Actar 2006
Paysages (2003 – 2005)
“Anna Malagrida s’inspire du romantisme allemand, situant ses personnages dans le lointain d’un décor sublimé par la lumière. Mais les beaux et sombres paysages naturels, expression de la grandeur divine, ont cédé la place à un paysage péri-urbain […]. Nous sommes à nouveau confrontés, par ces images, à l’isolement de l’individu dans la ville contemporaine, dans une étrange atmosphère, presque cinématographique, séduisante et inquiétante à la fois.”
– Mònica Regàs, Anna Malagrida, fotografías e instalaciones, Actar 2006