Carlos Aires et Laetitia Tura
En 2019, la région Occitanie commémore les 80 ans de la Retirada avec l’intention d’exprimer avec force et conviction les valeurs républicaines qu’elle porte et défend. À une époque où les problématiques migratoires et identitaires sont particulièrement actives, se souvenir de la Retirada en 2019 c’est aussi engager les habitants d’un pays, d’un territoire à une vigilance républicaine quant à la défense de nos idéaux démocratiques, de liberté et de progrès social.
Dans le cadre d’un ensemble pensé à l’échelle du territoire, des expositions d’art contemporain sur les thèmes de l’histoire et de l’exil sont mises en place par les Abattoirs, Musée – Frac Occitanie à Toulouse et plus largement dans la région Occitanie. Presque simultanément à ce projet, le réseau Diagonal fête ses dix ans d’existence à l’automne 2019 et c’est sous la thématique de l’engagement que les membres du réseau ont choisi de déployer respectivement dans leur lieu une programmation artistique.
Le Centre d’art et de photographie de Lectoure, membre du réseau Diagonal et du réseau régional air de Midi, participe aux deux dispositifs et propose l’exposition Paysage de l’exil, qui réunit des œuvres de Carlos Aires et Laetitia Tura. L’exil comme un nouvel espace à repenser, à réinventer et à investir.
Carlos Aires
Carlos Aires est né à Ronda, en Espagne, en 1974.
Il vit et travaille à Madrid en Espagne.
Le travail artistique de Carlos Aires se développe depuis une quinzaine d’années à travers l’utilisation d’une grande variété de médiums tels que la photographie, la vidéo, la sculpture, les installations. La pratique artistique de Carlos Aires est habitée par une dualité entre les ténèbres et la lumière, entre la vie et la mort, entre passé et présent. Il y a dans toute son œuvre l’évocation d’un art religieux baroque typique du sud de l’Espagne d’où vient l’artiste, ainsi que de multiples références au cinéma, à la publicité et à la musique pop et jazz.
Carlos explore notre façon de percevoir la réalité en s’intéressant à l’histoire, à la manière dont les événements historiques sont documentés, aux stéréotypes, aux clichés ainsi qu’aux codes du divertissement de masse. Il y aurait derrière chaque histoire officielle une autre vérité qu’il convient de dévoiler. Pour ce faire, il aime à souligner l’ambiguïté des images et des éléments empruntés qu’il détourne. Il travaille souvent à partir d’images d’archives qu’il collecte, collectionne et sur lesquelles il intervient avec des collages, des superpositions et des juxtapositions de matériaux extérieurs (textes de chansons…). Il est aussi connu pour ses photographies et ses sculptures en vinyle, pour lesquelles il utilise des objets existants (vieux disques vinyles, papier, devises). Les formats et les matériaux jouent également un rôle dans la juxtaposition d’antagonismes.
Il dévoile des vérités inconfortables, il dénonce les dérives du totalitarisme sous toutes ses formes, qu’il s’agisse du franquisme, du travail à la chaîne ou bien encore de la religion. Jouant sur ce que l’on peut voir, ce que l’on ne peut pas voir et ce qui est suggéré, ses œuvres proposent une vision troublée, troublante et politiquement incorrecte de la société néolibérale contemporaine.
L’exposition à Lectoure réunit 4 œuvres qui se déploient au rez-de-chaussée ainsi que sur une partie de l’étage. Au rez-de-chaussée, la vidéo Sweet dreams are made of this (2016) montre deux policiers casqués en tenue de combat s’adonnant à un tango, cette danse argentine de l’exil au son de « Sweet dreams », succès fulgurant du duo de pop new-wave anglais Eurythmics en 1983. La scène se déroule dans la somptueuse salle de danse du musée Cerralbo à Madrid, un décor historique baroque. L’histoire et l’interdit se rencontrent. En effet, en Espagne, il est toujours interdit de photographier ou de filmer des policiers.
En miroir, une déclinaison de Sweet dreams (are made of this) (2015), est ici réalisée à partir de billets de banque des trente pays les plus riches du monde, billets patiemment découpés reconstituent les paroles de la même chanson.
Une série de 16 photographies, Long Play (2011), se déploie dans le couloir du rez-de-chaussée. La plupart des images d’archives proviennent du journal monarchiste et conservateur espagnol ABC créé en 1903. Les textes inscrits sur l’image reprennent des couplets de chansons populaires souvent devenues standards du jazz et de variété.
Au premier étage se déploie l’œuvre Luto Iberico (2011) réalisée alors que l’artiste était en exil volontaire en Belgique.Carlos Aires redécouvre l’histoire et la culture du Sud de l’Espagne ainsi que la période sombre de la guerre civile et du franquisme. Les chapeaux tricornes moulés en céramique et qui servent de pots à plantes vertes sont juxtaposés à des photographies d’archives, portraits de membres de la Garde civile. L’ensemble évoque un patio typique de l’architecture du sud de l’Espagne.
Laetitia Tura
Laetitia Tura est née en 1978 à Nancy.
Elle vit et travaille entre l’Espagne, la France et ailleurs.
Laetitia Tura mène un projet photographique et audiovisuel autour de la mise en scène des frontières, l’invisibilité et la mémoire des parcours migratoires. Après Jnoub à la frontière du Sud-Liban (2001), Linewatch consacré au dispositif frontalier entre le Mexique et les états-Unis (2004 – 2006), elle poursuit au Maroc et à Melilla sur la mise à l’écart des migrants, Je suis pas mort, je suis là (2007 – 2012). Son travail a été présenté lors de nombreuses expositions (Mois de la photo à Paris, le Musée Albert Kahn, Musée national de l’histoire de l’immigration, Carré de Beaudouin à Paris, les Photaumnales de Beauvais, la Biennale des arts visuels de Liège, L’Évocation documentaire à Genève, au centre culturel de Tijuana au Mexique et au sein du réseau des Alliances françaises).
Elle développe une démarche où le recueil de la parole fait partie intégrante du dispositif de prise de vue. Son travail prend désormais plusieurs formes, notamment celle de la réalisation filmique. Elle coréalise avec Hélène Crouzillat son premier long métrage documentaire, Les Messagers, sur la disparition des exilés aux frontières de l’Europe (sortie en salle en 2015 et sélectionné dans de nombreux festivals). Elle travaille actuellement sur le projet Ils me laissent l’exil – Les adolescentes, autour de la transmission de la mémoire de l’exil et le film Desterrar, sur les processus mémoriels dans l’Espagne post-dictature.
Par ailleurs, Laetitia Tura met en place des ateliers de créations partagées au sein d’écoles, de médiathèques, de prisons… Elle est actuellement en résidence dans les Pyrénées Orientales avec le Fotolimo et le Mémorial de Rivesaltes (2019).
Elle présente à Lectoure la série photographique Ils me laissent l’exil – Les Républicains espagnols (2009 – 2013). Réalisée à partir de collectes de photographies, d’entretiens et de prises de vue, cette série constitue le quatrième volet d’un travail plus large autour de la mise en scène des frontières, l’invisibilité et la mémoire des parcours migratoires. Laetitia Tura remonte alors les strates d’un récit qui s’est élaboré entre les silences et la mythologie politique et rend compte de la manière dont l’oubli a été inscrit dans les lois et institutionnalisé. L’exposition propose également la présentation d’un entretien filmé avec Octavio Alberola Suriñach, militant anarcho-syndicaliste espagnol, fils de militants libertaires espagnols, exilés au Mexique après la Retirada. Il fait des études d’ingénieur et participe à la Fédération ibérique des jeunesses libertaires (FIJL). Après la réunification du mouvement libertaire espagnol, il représente avec Cipriano Mera Sanz et Juan Garcia Oliver, la FIJL au sein de Defensa Interio (DI) l’organisme chargé de la lutte antifranquiste au sein du MFE.
www.laetitiatura.fr
Jours et horaires d’ouverture
Du 19 octobre au 8 décembre 2019.
Du mercredi au dimanche, de 14h à 18h.
Entrée libre.
Documents disponibles
Dossier de presse
Dossier pédagogique
Guide ludique
Partenaires
Exposition en partenariat avec les Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse, dans le cadre de Je suis né étranger, programme d’art contemporain des Abattoirs en région Occitanie qui commémore le 80ème anniversaire de la Retirada.
Exposition présentée dans le cadre de L’Engagement, une manifestation nationale du réseau Diagonal en partenariat avec le Cnap et avec le soutien du ministère de la Culture et de l’ADAGP.
Exposition produite avec le soutien de la galerie ADN à Barcelone et du laboratoire Photon à Toulouse.
Partenaires locaux
Association Hispano’Ando
Cinéma Le Sénéchal
La Cimade
Les Floriades
Librairie – tartinerie de Sarrant