Cheminements, Le goût de la nature

Guillaume Janot, Hortense Soichet
28.04 > 03.06.2012


Hortense Soichet, Des habitants, la Haute-Garonne, Canton de Muret © Hortense Soichet

D’expositions en balades et performances, Cheminements invite à partager découverte de la création contemporaine et moments conviviaux. D’une édition à l’autre, les lieux d’expositions varient en fonction des communes qui les accueillent.
Cette année, le Centre d’art et de photographie présente deux expositions à Lectoure – Des Habitants, la Haute-Garonne d’Hortense Soichet et Just like Heaven de Guillaume Janot – et à Lombez une exposition d’Édouard Sautai, organisée avec la collaboration de la Maison des Écritures et du Collectif Lombez Culture.

Des Habitants, la Haute-Garonne permet de découvrir la suite donnée par Hortense Soichet au projet réalisé dans le quartier parisien de la Goutte d’or et présenté en 2010 à l’Été photographique de Lectoure. Tandis que les communes où s’est déroulée l’enquête de l’artiste accueillent l’exposition, qui est un développement en milieu rural et périurbain du projet entamé en zone urbaine sensible, le Centre d’art et photographie de Lectoure propose une version interactive du travail.

À première vue, Just like Heaven de Guillaume Janot répond exactement au thème Le goût de la nature de cette édition 2012 de Cheminements. Mais les apparences ne sont-elles pas trompeuses, et ne le sont-elles pas particulièrement dans les photographies de Guillaume Janot, « dont la démarche constante est de mettre en évidence le paradoxe fondamental de la représentation du réel par la photographie : où situer le vrai et le faux dans une société de la représentation permanente ? ».

Comme en 2011, Cheminements s’aventure hors des frontières du Pays Portes de Gascogne pour créer un courant d’échanges avec Toulouse, métropole régionale, où l’Espace Croix-Baragnon accueille trois expositions : Charline Lacau, le collectif In Out et Beatrix von Conta, qui a imaginé l’exposition Quoi de plus naturel ? en réponse à une invitation du Centre d’art et photographie de Lectoure.


Guillaume Janot – Just like Heaven

© Guillaume Janot, courtesy Galerie Alain Gutharc

L’exposition Just like Heaven réunit des extraits d’Ecostream et de Concrete, deux séries récentes de Guillaume Janot, dont la démarche constante est de mettre en évidence le paradoxe fondamental de la représentation du réel par la photographie : où situer le vrai et le faux dans une société de la représentation permanente ? Comment rendre présent l’immatériel en montrant le réel ?

Guillaume Janot fait surgir ces questions en jouant sur les stéréotypes, les effets d’illusion, la perte de repères. Ainsi, les photographies d’Ecostream, réalisées dans des parcs – botaniques, zoologiques, d’attraction – montrent comment la frontière entre apparence et faux semblants se dissout dans la vérité de la représentation photographique. Quant aux troncs d’arbres séculaires de la série Concrete – parfaite et classique représentation de la beauté de la nature – leurs photographies pourtant précises et détaillées ne révèlent en rien qu’il s’agit d’imitations en béton. Seul le titre de la série nous suggère la véritable nature de ces arbres : en anglais, concrete signifie à la fois concret et construction en béton.

« Comment représenter un monde qui se définit par la représentation, qui ne cesse de s’enregistrer et de s’enregistrer s’enregistrant ? […] les paysages dans lesquels nous vivons sont les mêmes que ceux que nous voyons sur les écrans et ils sont eux-mêmes couverts d’écrans. »*

« Emprunté au nom d’un grand parc public de Pékin, dans lequel le promeneur peut s’immerger dans une campagne fleurie, idyllique, savamment mise en scène, Ecostream, le titre de cette nouvelle série, devient l’intitulé générique d’un voyage dans les géographies diffuses d’un corpus où se mêlent sources iconographiques, endroits fictifs et espaces originels. Incursions dans l’imagerie de la réplique et une esthétique de l’imitation, ce nouvel ensemble de photographies, essentiellement composé de paysages, dénote l’intérêt porté par Guillaume Janot pour les parcs d’attractions et les espaces de loisir, avatars du spectacle et marqueurs d’un certain tourisme planétaire. Lieux impersonnels d’une certaine classe moyenne, ces univers reproduits constituent les zones privilégiées des variations stéréotypées, des effets d’illusion et de la perte de repères. Par une confection particulière de ses strates et de ses textures, Ecostream exploite les potentialités récursives des images en élaborant un ensemble d’échos qui entrent en résonance avec les phénomènes de globalisation des flux contemporains : les circuits de l’information et des communications, l’industrialisation du voyage.

À la faveur de la délocalisation généralisée et d’une évasion iconoclaste, Ecostream s’envisage comme une investigation des territoires de l’image et de la variété de ses dimensions à l’heure du village mondial. La muraille de Chine, le château de Bavière, une forêt tropicale apparaissent comme la toile de fond d’une balade kaléidoscopique conjuguant les télescopages composites, les panoramas de carton-pâte et les confrontations de vues.
Ayant pour décor le jardin botanique de Sydney, le zoo de Vincennes ou encore Disneyland, les photographies deviennent prétexte à autant de pertes de repères et de mise en doute de notre perception. […] La tour Eiffel d’un grand parc d’attractions chinois, la ville de Pékin ou une jungle de jardin botanique se déploient sous des atours et des latitudes équivoques, à la manière de cartes postales hybrides et improbables. »

Frédéric Emprou, Traverser les fabriques du monde, In Guillaume Janot, Ecostream, Filigranes éditions, 2010.

guillaumejanot.com

Exposition coproduite par les Ateliers de l’image (Marseille) et Voies Off (Arles).
* Augé (Marc), L’art du décalage, in Multitudes Web, juin 2007.


Hortense Soichet – Des habitants, la Haute-Garonne

Hortense Soichet, Des habitants, la Haute-Garonne, Canton du Fousseret © Hortense Soichet

Hortense Soichet s’intéresse à la manière dont les gens vivent aujourd’hui. Sa démarche est fondée sur la rencontre avec des habitants dans leur lieu de vie.
Après avoir mené un projet photographique dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris, classé en Zone Urbaine Sensible, Hortense Soichet a souhaité poursuivre sa démarche en zones périurbaines et rurales. Elle a donc pris contact avec des habitants de Haute- Garonne des cantons de Muret, de Saint-Gaudens et du Fousseret pour photographier l’intérieur et l’extérieur de leur maison. À l’invitation des occupants, elle présente sa démarche et s’entretient avec eux sur leur manière d’occuper leur espace domestique, puis elle photographie les espaces de vie intérieurs et extérieurs de leur maison.

Une collaboration de cinq centres d’art
Exposées à la Plateforme d’Art de Muret et à Chapelle Saint-Jacques de Saint-Gaudens, les photographies feront l’objet à Lectoure d’une installation interactive, grâce à la création d’un site internet. Parallèlement, la Fondation Espace Écureuil pour l’Art Contemporain exposera les travaux antérieurs d’Hortense Soichet et une exposition d’éditions d’artistes, conçue par Hortense Soichet, sera présentée par la Plateforme d’Art de Muret, La Chapelle Saint-Jacques et le Pavillon Blanc – Médiathèque Centre d’Art de Colomiers, où l’artiste est invitée en résidence.

L’exposition au Centre d’art et de photographie de Lectoure
« Durant l’année 2011, j’ai rencontré une soixantaine d’habitants de trois cantons de la Haute-Garonne : Le Fousseret, Muret et Saint-Gaudens. Les photographies et les sons enregistrés rendent compte des modes d’habiter et de vivre en milieu périurbain. Alors que les espaces urbains, malgré leurs divergences, tendent vers une homogénéisation, voire une globalisation, le monde périurbain semble se caractériser aujourd’hui par une diversité des manières d’occuper l’espace qui est intéressante à explorer. Ces différents modes d’habiter et le fait que s’accomplissent actuellement des transformations entraînant une modification de cette géographie invitent à créer une mémoire des modes de vie dans ces territoires. Les photographies et les sons restitués dessinent une cartographie des pratiques du quotidien des habitants et des relations qu’ils entretiennent au territoire afin de déterminer qui vit aujourd’hui dans les espaces périurbains.
Au Centre d’art et photographie de Lectoure, l’exposition prend la forme d’un site internet – www.leshabitants.com – comme une cartographique sensible du territoire invitant le lecteur à naviguer au hasard des photographies et des sons enregistrés chez les habitants. »

hortensesoichet.com