Juozas Kazlauskas, Muriel Olesen et Gérald Minkoff, Agence Radost
14.01 > 19.02.2012
Faire état d’une collection pour un centre d’art relève du paradoxe puisqu’à la différence d’un musée, un centre d’art, qui n’est pas équipé pour conserver les œuvres, n’a pas mission de constituer une collection. Dans le cas du Centre de photographie, la collection est celle du Musée de Lectoure, qui a accompagné le Centre dès sa création en acquérant, avec l’aide du Fonds régional des musées, des ensembles de photographies issues de commandes passées par le Centre de photographie à des artistes invités en résidence.
Lectoure était le sujet de leurs œuvres, le projet étant de révéler par les éclairages des artistes les multiples dimensions d’une cité historique rurale dans la dernière décennie du XXe siècle. L’expérience n’a duré que quelques années et lorsque la municipalité et le Conservateur départemental des musées décidèrent d’y mettre fin, une exposition au Centre de photographie présenta l’ensemble sous le titre « Pourquoi Lectoure ». C’est donc une dimension géographique, une unité de lieu à une époque précise qui donne sens à la collection.
Dégel Parfum de Gérald Minkoff et Muriel Olesen fut la première de cette courte série de commandes. Par une saisie poétique de paysages et de fragiles instants de vie, l’œuvre rapproche les extrémités de l’Europe au moment de la chute du Rideau de fer : le dernier hiver de l’URSS et le printemps suivant à Lectoure. Dans chacune des deux parties (Dégel et Parfum), le livre met systématiquement en vis-à-vis une image de chaque artiste dans des doubles pages numérotées de I à XVI. Le poète Michel Butor réunit par des quatrains regroupés dans un cahier central les couples de double page identiquement numérotés. L’exposition reprend le même principe en associant à chaque bloc de quatre photos le quatrain correspondant.
Parallèlement à la collection du Musée, un ensemble un peu hétéroclite s’est constitué au gré des dépôts effectués dans des circonstances diverses. Il ne s’agit pas d’une collection, mais d’un reflet, d’une trace majeure de l’activité du Centre de photographie.
Issues des deux ensembles, les photographies réunies pour l’exposition La collection. Acte I : une autre histoire évoquent le contexte historique de la naissance de l’Été photographique et du Centre de photographie en 1990-1991 : dernier hiver de l’URSS (Dégel Parfum), Révolution de velours en Tchécoslovaquie (Agence Radost), fin du communisme en Lituanie (Kazlauskas). À l’époque en effet, dans un élan démocratique inattendu et irrésistible, les peuples d’Europe centrale ont balayé les dictatures qui les opprimaient comme le font cette année les peuples arabes. Cette attention aux enjeux historiques du temps présent posait ainsi, dès la création du Centre, un axe majeur de sa programmation.
Juozas Kazlauskas (1942-2002) fut photographe, opérateur de cinéma et metteur en scène. Né près de Molėtai en Lituanie, il passa sa jeunesse en relégation près d’Irkoutsk en Sibérie (1949-1957). Après ses études à l’Institut cinématographique de Moscou (1969-1975), il travailla de 1975 à 1987 aux studios d’État de Lituanie, où il réalisa de nombreux documentaires. Il fut aussi opérateur pour des cinéastes lituaniens. Auteur de nombreux reportages photographiques, il a exposé entre autres à Munich en 1989, à Paris et Mexico en 1991, Lectoure en 1992 et Berlin en 1995.
À l’invitation du photographe Tono Stano, exposé à Lectoure en 1989, François Saint Pierre rencontra à Prague en mars 1990 de nombreux photographes, dont les membres de l’éphémère Agence Radost, qui dura le temps de la Révolution. Petits formats, tirages peu soignés, certaines des photos exposées reflètent la précarité matérielle et l’urgence de la diffusion. Par la suite, certaines de ces photos ont fait l’objet d’un portfolio en grand format.