Il était une fois le territoire

Géraud Soulhiol, série Huit Hectares Quarante Six (2015) © Géraud Soulhiol – Courtesy galerie 22,48m2

Sabine Delcour et Géraud Soulhiol

À travers l’usage de médiums et techniques variés – photographies argentiques à la chambre, dessins, grand mural en photomontage, objets, sculptures, images projetées – les deux artistes conviés pour l’exposition d’automne – hiver au Centre d’art et de photographie de Lectoure approchent la notion de territoire. Le territoire, espace géographique, réel, traversé, le territoire recomposé, objet de rêve et d’utopie, fenêtre sur l’intime.

La photographe Sabine Delcour accorde une grande importance au paysage, principalement sous une forme sauvage, résistante, que les images se situent dans des environnements urbains ou ruraux. Elle interroge par son travail photographique la notion de lieu et les rapports de l’homme avec son environnement.

Sabine Delcour pratique une photographie de terrain, physique, charnelle. En prise directe avec les éléments, à la manière des arpenteurs des temps anciens, il est question de marche, d’observation et de patience. Les projets débutent par une forme d’enquête. Elle se relie ainsi à la mémoire et à l’histoire des lieux en collectant des récits d’habitants qui vivent sur les territoires. L’approche ne reste cependant pas documentaire. Les récits, souvent en creux, invisibles, nourrissent son imaginaire et constituent le lien clandestin et secret entre elle et les paysages traversés.

Certaines récurrences formelles sont clairement affirmées dans son écriture photographique : la taille des images, la verticalité des formats – qui contrarie l’une des conventions les plus établies du paysage –, les marques laissées visibles du support technique – bords noirs, encoches et références au plan-film –. Les prises de vues sont réalisées à hauteur d’homme, permettant au regardeur de s’inscrire dans le paysage. Le travail à la chambre photographique grand format 4 x 5’’, posée au sol avec un trépied, donne une esthétique singulière à ses photographies. Cette esthétique est renforcée grâce à la bascule (ou tilt-shift), technique qui lui permet de définir une zone de netteté étroite et de renforcer le flou partout ailleurs, créant des effets de profondeur de champ. Les zones de flou focalisent le regard sur le chemin tout en accentuant la perspective. Cela génère une profondeur, différentes trajectoires suggérant un ailleurs, un au-delà du cadrage photographique comme pour suggérer que ces paysages sont habités par l’esprit des lieux.

Le Centre d’art et de photographie de Lectoure présente deux séries de Sabine Delcour : Cheminements (2005 – 2009), treize photographies de 117 x 96 cm, et Paysages fabriqués (2015), cinq boîtes à lumière. Se déployant à la verticale dans un format monumental, les photographies de la série Cheminements célèbrent, questionnement et manipulent les codes de la photographie de paysage. Réalisée dans le cadre de plusieurs séjours de résidences artistiques, la série réunit un ensemble de chemins, de sentiers tracés dans la nature, à l’écart des villes et issus de plusieurs régions en France. Absente du cadre des images, la présence humaine n’est perceptible que par la trace de son passage, l’empreinte laissée dans le paysage. Cette proposition ne relève ni d’une géographie territoriale, ni d’un itinéraire précis mais d’une topographie de l’ordre de l’intime.

Géraud Soulhiol développe une œuvre expansive, arborescente, aux directions multiples dans laquelle le dessin a une place prépondérante. Il recompose des territoires à partir d’éléments réels et crée des contre-mondes. Il étend son territoire de recherches, petit à petit, un peu la manière d’un explorateur.
Les explorateurs des temps anciens recomposaient les cartes à partir de leurs souvenirs. Géraud Soulhiol reconstitue des mondes, ré-agence des motifs et des images collectés. On peut parler d’une forme de banque de données, des images du monde comme des éléments de décor dans lesquels il puise pour récréer de nouveaux territoires fictionnels, mutants et anachroniques. L’art de jouer avec les échelles, l’utilisation des angles et points de vue, des différentes formes de perspective, des vues en plongée, de la symétrie participent de la puissance évocatrice de ses œuvres.

Géraud Soulhiol est un dessinateur d’intérieur prolixe. Le trait est précis, minutieux, et les dessins d’une exécution fine et délicate foisonnent de détails. Un dessin qu’il pratique sur des supports et des techniques diversifiés. Dans les séries La vue (2012 – 2014) et Huit Hectares Quarante Six (2014), on découvre l’usage du café soluble sur des sous-tasses en céramique. Dans la série -Terre ! (2015), il utilise l’aquarelle, la gouache et le porte-mine sur du papier Canson.

Son travail convoque l’histoire, l’humour ainsi que de nombreuses références qui offrent une multiplicité d’interprétation. Les sources d’inspiration de ses motifs sont vastes : l’architecture au sens large, les sciences naturelles, le monde végétal (avec un goût prononcé pour les champignons), la Tour Eiffel de Gustav Eiffel, l’univers de Jules Verne (scaphandriers, monstres marins), la peinture ancienne (avec notamment le motif de la tour de Babel ou encore le moulin suspendu au rocher, tous deux issus des œuvres La Tour de Babel et Le moulin et la Croix (1564) de Pieter Bruegel L’Ancien).

Certains dessins, issus notamment des séries -Terre !, Les bosquets (2012), La bataille (2011) et L’exploration (2011) réunissent de petits éléments ordinairement localisables dans tous les paysages traversés (poteaux électriques, arbres…) mais aussi des modèles canoniques d’architecture communément présents dans le monde entier (stades, ponts, parcs d’attraction, tours…). La fonctionnalité, l’usage réservé à ces architectures est secondaire. Il s’agit d’architectures réelles qui côtoient bien souvent des architectures fantasmées, inventées.

Au Centre d’art et de photographie de Lectoure, Géraud Soulhiol intervient directement sur les murs des salles de l’étage et propose une installation murale invasive. Ce grand mural en impression numérique est un photomontage réalisé à partir d’images satellites sur lequel sera déployée une sélection d’œuvres des séries -Terre !, La vue et Huit Hectares Quarante Six, ainsi qu’une sélection de la série Natures mortes (2010). Le dispositif projeté Le Hublot, dérive déambulée sur le logiciel Google Earth sera également visible pendant l’exposition.


Sabine Delcour

Sabine Delcour, née en 1968 à Pessac, vit et travaille à Bordeaux.

Sabine Delcour expose régulièrement ses œuvres en France et à l’étranger. En 2017 son travail a été présenté au Carré Amelot à La Rochelle, à la galerie Arrêt sur l’image à Bordeaux et à la BNF à Paris ; en 2016 à la Biennale de Photo Instantanée à La Teste de Buch ; en 2015 au Festival des Rencontres de la jeune photographie à Niort. Des commandes institutionnelles et des résidences régulières de création lui permettent de développer son travail photographique, entre autres à la Villa Médicis Hors les Murs de l’Institut Français en Islande, au domaine d’Abbadia à Hendaye, aux Maisons Daura à Saint-Cirq-Lapopie. Les œuvres de Sabine Delcour sont présentes dans plusieurs collections : UNM Art Museum Albuquerque, (New Mexico, USA), au Château d’eau à Toulouse, au Centre d’art contemporain de Basse Normandie, dans la collection du Conservatoire du littoral, à l’Artothèque départementale de la Gironde, du Lot, de la Rochelle, de Vitré.

dda-aquitaine.org


Géraud Soulhiol

Géraud Soulhiol, né en 1981 à Saint-Céré dans le Lot, vit et travaille à Paris.
Il est représenté par la galerie 22,48m2 à Paris.

Géraud Soulhiol est diplômé de l’école supérieure des beaux-arts de Toulouse. Son travail a fait l’objet d’expositions personnelles et collectives ; en 2017 Co-mutations, Parcours d’art contemporain en Vallée du Lot ; en 2016 Arena à la galerie 22,48m2 à Paris, Nouveaux Horizons à la galerie jeunes publics du Centre Pompidou Metz ; en 2014 Jeune Création au Cent-Quatre à Paris, Les esthétiques d’un monde désenchanté au Centre d’Art Contemporain de Meymacs, Still Water à la galerie 22,48m2 à Paris.

geraudsoulhiol.com
2248m2.com


Jours et horaires d’ouverture

Du 18 novembre 2017 au 4 mars 2018.
Du mercredi au dimanche, de 14h à 18h.
Entrée libre.


Documents disponibles

Dossier de presse
Guide ludique
Dossier pédagogique