Les expositions

L’édition 2022
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À la maison de Saint-Louis / Centre d’art et de photographie

Au Centre d’art et de photographie, l’exposition a été construite à partir d’un ensemble de vidéos et de photographies de William Wegman des années 1960-1980 et des polyptyques du couple Anna et Bernhard Blume. D’autres figures importantes de l’art et de la photographie ainsi qu’une jeune génération de créateurs viennent dialoguer avec ces pièces historiques. Ils sont allemand, américain, bélarus, belge, espagnol et français, nés entre 1937 et 1990 ; leurs œuvres participent à une même vision dans une filiation à l’amusement, l’absurde et l’utilisation de l’humour pour évoquer ou détourner la gravité du monde.

Annabelle Milon

« Depuis des années je collecte des images au détour de mes recherches à l’atelier. Elles proviennent de sources différentes (livres, journaux, magazines, internet, etc) et sont, de fait, de nature très variée. Il peut s’agir d’une œuvre d’art, d’une image scientifique, d’un détail d’une publicité, d’une image d’actualité ou encore d’un bout de papier imprimé rescapé. Ce qui m’incite à garder une image plus qu’une autre est purement instinctif mais répond sans doute à la logique propre à la collection. Au printemps 2020 j’ai décidé de me confronter à ce corpus d’images pour lui trouver une forme. Inspirée des travaux d’Aby Warburg (L’Atlas mnémosyne) et de l’artiste suisse Batia Suter (Parallel Encyclopedia), je me suis intéressée à l’idée d’atlas. Sa particularité de pouvoir assembler des matériaux et des temps hétérogènes m’a permis d’aborder mon corpus avec une méthode. J’ai créé des montages avec mes images par juxtaposition. Décontextualisées et hors d’usage, les images réunies pour leur seul motif, développent alors de nouvelles narrations. Prendre en photo ces compositions fait apparaître une nouvelle image, une nouvelle relation visuelle, où l’accumulation, l’invisibilité et la disparition se côtoient. Ces montages, construits par anachronismes temporels, posent ainsi la question de la récurrence de l’image, de sa survivance et de son absence. »

Annabelle Milon, 2022 (extraits).

Pour l’exposition, l’artiste a reçu le soutien de la Région Wallonie-Bruxelles et la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Certaines œuvres de cette exposition ont été produites par le Centre d’art et de photographie de Lectoure.

Annabelle Milon, Variations, 2020-2021 © Annabelle Milon – Tirage noir et blanc encadré, 59 x 42 cm

William Wegman

Connu mondialement pour ses photographies anthropomorphiques avec ses chiens Braque de Weimar, William Wegman reste une figure importante de l’art conceptuel californien des années 60. « Son œuvre invite à une réflexion sur nos rites sociaux et les fondements de l’art avec une apparente légèreté : une touche de cérébralité servie avec une louche d’absurdité » (Encyclopédia universalis). Sa démarche s’inscrit dans un contexte historique qui donne la primeur à la performance, à l’expérience et au relationnel. L’artiste se met en scène, avec son premier chien Man Ray, puis avec la descendante de celui-ci, Fay Ray, dans des saynètes du quotidien, comiques et décalées. Sous une apparence parfois fantasque, les œuvres de Wegman critiquent souvent la prétention et induisent une inquiétude sous-jacente, celle du contexte de la guerre du Vietnam, mais également une certaine mélancolie face à la fin de l’enfance.

« L’œuvre vidéo de William Wegman est pleine de pièges. Si vous faites des plaisanteries — et la tentation est grande de faire des blagues sur l’homme et le chien, Wegman et Man, Bill et Ray — elles ne sont jamais à la hauteur de l’humour inarticulé de Wegman ou de l’éloquence comique de son chien. (…) Ce n’est pas que nous regardons ses vidéos loufoques avec un quelconque sentiment de supériorité, mais plutôt avec un étonnement ébahi, un acquiescement souriant, un plaisir perplexe, un vague malaise et du plaisir. » (Kim Levin, extraits. Wegman’s Video: Funny Instead of Formal in Wegman’s World, Walker Art Center Ed., 1982).

Les œuvres présentées à Lectoure sont prêtées par le Studio Wegman à New York, le Frac-Artothèque Nouvelle-Aquitaine, Limoges et par la galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois, Paris.

L’exposition au Centre d’art et de photographie regroupe un ensemble de photographies et de vidéos de l’artiste parmi lesquelles une œuvre vidéo-clip réalisée en 1988 avec l’artiste et réalisateur de films d’animation expérimental Robert Breer (1926-2011). Sa diffusion pour L’été photographique a été rendue possible grâce à l’aimable autorisation de Warner Music France. Le travail de Robert Breer est représenté en France par la galerie gb agency, Paris.

William Wegman, Stomach Song, 1970-1971 © William Wegman
Courtoisie galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois, Paris – Vidéo, son, 1 min 19

Alexey Shlyk

The Appleseed Necklace, qui se traduit par Le collier en pépins de pommes, est une série que l’artiste a réalisée dans son pays le Bélarus (avant d’y être interdit de séjour) et en Belgique entre 2016 et 2018. Pour L’été photographique, il a réalisé une nouvelle pièce avec des journaux récents, comme écho au conflit actuel entre la Russie et l’Ukraine.

« Chaque fois que je pense à mon pays natal, je me souviens de l’ingéniosité et de la créativité de ses habitants. Ces qualités ont probablement été héritées — ainsi que la tolérance — de la période soviétique. Comme je suis né en 1986, j’ai été citoyen de l’Union soviétique pendant une partie de ma petite enfance et je me souviens encore de mon passeport avec la faucille et le marteau et des rayons vides dans les magasins.

Cette série est basée sur la culture du bricolage autrefois prédominante dans mon pays d’origine et qui s’est développée à l’époque de mon enfance. Lorsque je mets en scène mes photographies aujourd’hui, je me réfère à mes souvenirs et à mes sentiments nostalgiques pour les choses que j’ai vues et entendues dans le passé, les événements auxquels j’ai participé. Je parle de créativité, d’artisanat, de diligence et de recyclage typique qui étaient naturels pour les personnes vivant dans des conditions de pénurie constante. C’était une époque où il fallait soit trouver un moyen de « voler » ce dont on avait besoin, soit le fabriquer avec les matériaux accessibles. »

Alexey Shlyk, The Appleseed Necklace, 2018 (extraits).

Certaines œuvres de cette exposition ont été produites par le Centre d’art et de photographie de Lectoure.

Alexey Shlyk, The Hat, série The Appleseed Necklace, Belgium / Bélarus, 2016-2020 © Alexey Shlyk – Tirage jet d’encre sur papier Hahnemühle, monté sur dibond et encadré, 60 x 75 cm

Anna & Bernhard Blume

« Précurseurs d’une certaine photographie mise en scène, à la frontière de la performance, leurs grands polyptyques ou séries induisent, avec beaucoup d’humour, plusieurs niveaux de lecture : confrontation d’un couple d’artistes à la vie quotidienne, réflexion artistique et esthétique sur le modernisme, et, enfin, méditation plus complexe, philosophique et ontologique, sur l’existence humaine dans sa relation à son environnement. Les Blume se mettent eux-mêmes en scène dans les intérieurs petits bourgeois des années 50 et 60, étouffants à force de saturation mobilière et décorative. […]

Au premier regard, on assiste tout simplement au combat quotidien mené par un couple contre le chaos ordinaire, ou engagé par tout artiste, en début de carrière surtout, pour survivre tout en poursuivant son propre travail artistique. Ce combat devient également la métaphore d’une lutte entreprise par toute une génération contre la réification bourgeoise du monde pour s’affranchir des valeurs portées par la société occidentale d’après-guerre. […]

L’utilisation récurrente du flou provoqué par le mouvement des personnages ou des objets, cette maladresse honnie des photographes professionnels, rapproche leurs images de la pratique amateur, leur permet à la fin des années soixante de les rattacher au champ plus mouvant et vivant de la performance. […] »

Anne Giffon-Selle (extraits), site internet de la galerie Françoise Paviot, Paris.

Les œuvres présentées à Lectoure sont prêtées par le Frac Normandie Caen et la galerie Françoise Paviot.

Anna et Bernhard Blume, Küchenkoller [La cuisine en furie], 1985 (détail) © Anna et Bernhard Blume Courtoisie galerie Françoise Paviot, Paris – Polyptique, 9 photographies argentiques, tirages noir et blanc encadrés, 50 x 33 cm chacun

Louis Dassé

« J’aime m’amuser et ironiser sur nos façons d’être. L’humour a cette capacité de placer, replacer les choses à leur juste valeur. À mon sens, le rire et l’humour sont à prendre avec grand sérieux. Ils sont les points d’accès à un regard distancié, critique et pas moins juste sur le monde. Dans mon travail, je cherche toujours à être sérieusement léger tout en étant légèrement sérieux. J’entretiens une pratique protéiforme qui touche autant à la photographie, à la sculpture, au dessin, à la vidéo et à la performance. Les situations de vie sont, pour moi, aussi fertiles que les objets qui les agrémentent. Ainsi, les pièces que je produis résultent souvent de l’assemblage d’objets préexistants, communs et banals, quotidiens apparemment sans qualités plastiques particulières. Modifier leurs échelles, les extraire d’un environnement attendu et les décontextualiser sont les mécanismes que j’utilise pour révéler leurs potentiels artistiques, ironiques ou critiques. »

Louis Dassé, 2022.

Louis Dassé, Workout Routine, 2018 © Louis Dassé – Volume, panneaux de plexiglas, 90 x 51 x 75 cm, impressions sur papier semi-gloss, 70 x 45 cm chacune

Étienne Courtois

Majoritairement photographique, le travail d’Étienne Courtois s’articule autour de la perception et de la représentation. L’artiste s’intéresse à la nature de notre relation à l’image et à sa fracture, induite par l’ère numérique. Il joue avec les codes plastiques, étend le medium au-delà de sa fonction d’outil de représentation par des combinaisons de couleurs, de matière et de formes et l’utilisation occasionnelle d’aplats de peinture et éléments de collage.

La nature morte est récurrente dans l’histoire de l’art, Étienne Courtois la met au centre de ses œuvres, use et modifie le processus photographique pour construire un nouvel univers avec des compositions toujours précises. Il sort du studio, utilise la lumière naturelle et la manipulation devant l’objectif pour offrir un ensemble artistique décalé, parfois surréaliste, toujours réjouissant. Avec des sujets du quotidien, Étienne Courtois réalise des images sans restriction qui permettent différents niveaux de lecture. Son approche libre du motif, de l’objet et de sa fonction, ainsi qu’une interprétation soulignée par le détournement et la diversion, produisent des images capables tout à la fois de révéler le subjectif et l’ambiguïté.

Pour l’exposition, l’artiste a reçu le soutien de la Région Wallonie-Bruxelles et la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Certaines œuvres de cette exposition ont été produites par le Centre d’art et de photographie de Lectoure.

Étienne Courtois, Sans titre, 2014 © Étienne Courtois – Tirage jet d’encre, 85,1 x 68,8 cm

Ouka Leele

Amie d’Almodóvar, d’Alaska, Ceesepe, proche de Ruiz de la Prada, Garcia-Alix, compagne du peintre El Hortelano1, Ouka Leele fait partie de cette jeunesse madrilène underground, créative et déjantée qui sort de l’ombre à la mort du dictateur en 1975. Figure de ce que l’on appelle communément La Movida madrileña (Todo Vale2 pour ceux qui l’ont créé), Ouka Leele a construit un univers artistique riche d’images, peintures et poèmes. Principalement connue pour ses photos colorisées à l’aquarelle, c’est la première version noir et blanc de sa fameuse série Peluquería qui est présentée ici. L’artiste regroupe devant l’objectif voisins, amis (anonymes ou célèbres) qui arborent des couvre-chefs improbables. Ils sont créateurs, loubards, penseurs, junkies ; leur jeunesse explose dans tous les sens du terme en cette période historique.3

« La Movida c’est la liberté de l’art, de l’esprit, d’expression, de style, tout est libre. […] À Madrid, tout était plus fou qu’à Barcelone, plus expérimental et plus vital. Tu sortais le soir et tu rencontrais Alaska ou un peintre ; le jour suivant, le peintre avait composé une chanson, un autre jour il faisait du cinéma, ensuite un tableau. Tout était très fou, très vivant, très amusant. C’était une époque où il fallait tout essayer, de totale liberté, de rupture avec tout ce qu’on nous avait enseigné. »4

1. C’est à partir d’une peinture d’El Hortelano qu’Ouka Lele choisira son nom d’artiste auquel elle ajoutera un 2ème E dans les années 1990.
2. Qui se traduit par tout est valable, dans la philosophie du tout est possible.
3. La Transition (novembre 1975-octobre 1982) est la période après Franco où l’Espagne s’engage dans un processus démocratique, notamment avec la Constitution de 1978.
4. Ouka Leele, Madrid, 1993, extraits d’entretien in La Movida – au nom du père, des fils et du Todo Vale de Magali Dumousseau-Lesquer, Éd. Le mot et le reste, 2012

Les œuvres présentées à Lectoure sont prêtées par le CA2M (Museo Centro de Arte Dos de Mayo) de Móstoles en Espagne. Cette exposition reçoit le soutien de l’AC/E (Acción Cultural Española).

Ouka Leele, série Peluquería, 1979-1980 © Ouka Leele – Collection CA2M, Museo Centro de Arte Dos de Mayo, Móstoles – Photographie argentique, tirage noir et blanc encadré, 52 x 42 cm

Marie Losier

« Connue principalement pour sa carrière derrière sa caméra (une Bolex 16mm qui se remonte toutes les 30 secondes), Marie Losier expose depuis quelques années monotypes, photographies et installations. Elle construit son univers artistique en conviant amis, famille, idoles dans un maelström déjanté. Son imagerie est inspirée par les figures des cinémas structurel, underground et expérimental, les frères Kuchar, le complice Tony Conrad, les proches Bertrand Mandico et Elina Löwensohn… Les années new-yorkaises de l’artiste ont participé à constituer une partie de cette fratrie, d’autres viendront, comme Felix Kubin, à son retour en Europe. Tous sont les compagnons et partenaires d’un art sans cesse en mouvance et en réflexion, qui évoque aussi bien Méliès que des clips de MTV, la poésie beat que l’univers camp, Fluxus que de l’art vidéo et la « low fi ». […]

Ses œuvres dépeignent une grande maison joyeuse de laquelle les parents seraient partis pour ne laisser que des enfants surexcités, débordant d’imagination, qui éclatent de rire en jouant aux adultes. Ils construisent des cabanes et des soucoupes volantes, se déguisent et se griment, cuisinent, mangent, rient, chantent et sautent partout. Ils portent des bonnets de bain à fleurs, des poulpes et des oiseaux en guise de couvre-chef, ils lancent des paillettes dorées et surtout, surtout, ils n’oublient jamais de danser. »

Émilie Flory (extraits), 2019 (extraits du texte Eat MyMake Up! rédigé pour l’exposition éponyme de l’artiste à la galerie Anne Barrault à Paris en janvier 2020).

Les œuvres présentées à Lectoure sont prêtées par la galerie Anne Barrault, Paris.

Marie Losier, Eat My Make-up!, 2005 © Marie Losier – courtoisie galerie Anne Barrault, Paris Vidéo 16 mm, son, 6 min

Ian Wilson

Figure mythique de l’art conceptuel, Ian Wilson est d’abord peintre dans les années 1960, ses recherches sur les liens entre peinture et sculpture, son expression picturale minimale et la volonté d’un certain dépouillement l’orientent naturellement vers le monochrome et l’abstraction. À partir de 1968, il abandonne peu à peu toute forme de matérialité et choisit le langage comme moyen de création. Il participe alors aux grandes expositions d’art conceptuel aux côtés de Joseph Kosuth, Art & Language, Robert Barry, Lawrence Weiner, etc. Ian Wilson est toutefois celui qui est allé le plus loin dans la dématérialisation de l’art, notamment avec ses œuvres les plus connues les Discussions. Pour lui, la communication orale est un objet, il veut parler au lieu de fabriquer des choses et utilise le langage comme objet à sculpter. Il libère ainsi l’art d’un lieu spécifique. Grâce au langage, vous pouvez appréhender le monde non visuel.1

Entre 1968 et 1983, Wilson a réalisé des œuvres qui n’impliquent pas sa participation active et orale. C’est le cas pour l’œuvre titrée Ian Wilson de 1969 présentée pour L’été photographique dont le protocole consiste à intégrer son nom dans la liste des artistes d’une exposition collective, à l’oral et dans l’ensemble des éléments de communication écrites.

1. Ian Wilson en 2002 répondant à la question d’Oscar van den Boogaard dans une interview : Qu’est-ce qui vous pousse à l’abstraction ?

Œuvre à protocole, présentée en accord et en partenariat avec la galerie Jan Mot, Bruxelles.


À la Cerisaie

France Dubois

Figure mythique de l’art conceptuel, Ian Wilson est d’abord peintre dans les années 1960, ses recherches sur les liens entre peinture et sculpture, son expression picturale minimale et la volonté d’un certain dépouillement l’orientent

Dans le prolongement de sa production d’images et toujours avec un lien fort avec le cinéma, France Dubois conçoit et développe un travail d’installations intégrées dans l’architecture et les espaces urbains. À partir de sa connaissance de l’image et de ses composantes physiques, elle explore notamment les nombreuses possibilités offertes par la lumière en tant que médium artistique.

Ces œuvres sont réalisées selon des processus de production et de présentation expérimentaux qui entrent en résonance avec le contexte : projection vidéo, peinture murale ou installation lumineuse sur mesure s’inscrivent dans l’espace d’intervention. À cette fin, l’artiste recourt notamment aux technologies numériques, non seulement comme support technique mais aussi en tant qu’outil de création.

À la Cerisaie, France Dubois présente pour la première fois l’œuvre immersive Microfilms, installation lumineuse qui reprend le principe de la projection cinématographique et invite le visiteur à se laisser porter. La lumière et les surfaces éclairées deviennent le support de projection des images mentales de chacun, elles reflètent les couleurs et les intensités de films oubliés, revus ou rêvés.

La composition musicale qui accompagne l’installation est de Mylena Bergeron.
Cette exposition est co-produite par le Centre d’art et de photographie de Lectoure, avec le soutien de Loupi Lighting.

France Dubois, Microfilms, 2022 © France Dubois – Installation lumière dynamique in situ, dimensions variables

À l’école Bladé

Quatre artistes investissent l’école Bladé. À l’étage, la tête tournée vers les cieux, la série Earth Not A Globe de Philippe Braquenier se mêle aux images de The Skeptics de David De Beyter. Les artistes et la commissaire ont créé un espace spécifique pour L’été photographique qui interpelle les pseudosciences et leurs adeptes. Cette proposition joue du trouble et des doutes, de l’histoire et des réalités de deux communautés, les platistes qui croient la terre plate et les ufologues, spécialistes des ovnis. Au rez-de-chaussée, la série La Noche en Balde de Miguel Ángel Tornero (également présente à la halle) et le travail d’Anne-Charlotte Finel ramènent sur terre. Les œuvres de ce second binôme invitent à une promenade plus sombre, un cheminement nocturne investi de paysages, de lisières et d’entre-deux. Les artistes questionnent le monde et le vivant, les peurs, l’animalité et la nébuleuse du réel.

Philippe Braquenier et David De Beyter

Seeing Is Believing1
Pour l’exposition qui aurait pu s’intituler Looking For Astronauts2, Philippe Braquenier, David De Beyter et Émilie Flory jouent du trouble des sujets traités par les deux artistes. La découverte et la déambulation à travers la pseudoscience des ufologues3 de The Skeptics de De Beyter et celle des platistes4 de Earth Is Not A Globe de Braquenier se répondent en effet en une juste valse. En s’appuyant sur les corrélations entre les deux communautés d’apparence scientifique, cette nouvelle entité qu’est l’exposition mêle sciemment et pour la première fois les œuvres des deux séries sans franche distinction.

Avec The Skeptics, An Investigative of the Negative Blindness5, David De Beyter s’intéresse aux amateurs de l’ufologie scientifique. Ce travail, mené en grande partie en Espagne, s’appuie sur les écrits, la documentation et les recherches d’une communauté d’ufologues sceptiques réunie dans les années 70, pendant près de 15 ans. L’artiste révèle ainsi des pratiques contemporaines oubliées qui sculptent un imaginaire du chaos géologique. En se concentrant également sur les vagues successives « d’apparitions », il propose une réflexion sur la perte des utopies et la question du progrès. Ses œuvres interrogent cette mythologie que les ufologues scientifiques tentent de déconstruire, la gouvernance d’une réalité par la technologie.

C’est aussi à partir des écrits et expériences que Philippe Braquenier construit Earth Not A Globe. « Dans ce projet hybride, Philippe Braquenier opère une plongée au cœur des mécanismes discursifs des théories conspirationnistes. Il s’y propose d’épingler une série d’énoncés « platistes » et de les passer au tamis de son expérience créative et singulière. Pour ce faire, il s’empare des procédés utilisés par les disciples de Rowbotham et s’emploie à démontrer par l’image les mêmes expériences empiriques. À force de manipulations, de fragmentations, de détournements et de montages, il en vient à fabriquer lui-même ses pièces à conviction. Dépouillées de leur contexte et accompagnées de légendes concises, chacune d’elles pourrait nous faire douter de la rotation de la terre ou de l’existence de la gravité. À cela près que l’auteur rend visible les marques de ses interventions plastiques, comme autant d’indices de son processus de travail. »6

1. Voir c’est croire en français.
2. Vers et titre d’une chanson du groupe américain The National sur l’album Alligator, 2005.
3. Spécialistes des objets volants non identifiés (UFO en anglais) qui recueillent, analysent et interprètent les informations et les données concernant ces phénomènes pseudo-scientifiques.
4. En 1849, Samuel Rowbotham, auteur, inventeur et socialiste anglais, écrit sous le pseudonyme de Parralax un pamphlet Zetetic Astronomy: Earth Not a Globe dans lequel il soumet la théorie selon laquelle la Terre ne serait pas ronde mais plane, le Pôle Nord en son centre et les planètes, le soleil et la lune juste éloignés de quelques miles de sa surface. Depuis, de nombreux adeptes de la zététique « l’art du doute », partisans du
complot, créationnistes perpétuent cette théorie présentée comme une revendication scientifique qui dénonce une tromperie mondiale.
5. Les sceptiques, une enquête sur l’aveuglement négatif en français
6. Extraits du texte de Marie Papazoglou.

Pour cette exposition, Philippe Braquenier reçoit le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de Wallonie Bruxelles International. Certaines œuvres de cette exposition ont été produites par le Centre d’art et de photographie de Lectoure avec le soutien du laboratoire Photon Toulouse.

David De Beyter, Figure 45. (Negative surface luminance), série The Skeptics, 2019-2022 © David De Beyter Courtoisie galerie Bacqueville, Lille – Tirage jet d’encre encadré, 150 x 120 cm
Philippe Braquenier, Jerry, série Earth Not A Globe, 2016-2021 © Philippe Braquenier Courtoisie galerie The Ravestijn, Amsterdam – Tirage chromogénique encadré, 100 x 80 cm

Miguel Ángel Tornero

« Dans la nature hybride et contradictoire de mon travail, coexistent l’intérêt pour les possibilités de la physicalité de l’image imprimée et la fascination pour le flux vertigineux d’images qui redéfinissent sans cesse l’expérience photographique et, finalement, notre façon de faire relation avec elle. Une vulnérabilité particulière, devant laquelle j’utilise le collage comme un écosystème dans lequel j’essaie de coudre les couches, réconcilier les stimuli, digérer les informations… Et trouver la manière dont les parties d’un tout, qui parfois débordent, coexistent et font sens.

Dans la série La Noche en Balde, on perçoit une approche émotionnelle du paysage. Dans ce projet, j’utilise le collage photographique et un procédé plastique libre et intuitif comme véhicule pour explorer des zones rurales délaissées, incultes, dans lesquelles pousse ce que l’on pourrait appeler la botanique périphérique : les mauvaises herbes et, surtout, les chardons et les pitas ; des éléments déroutants — apparemment inutiles — qui poussent contre, sans que personne ne s’en occupe ou ne travaille dessus. Éclairés uniquement par la lumière crue du flash de l’appareil photo, nous cherchons à nous réconcilier avec l’environnement et avec nous-mêmes, revendiquant le besoin et la beauté de ces lieux périphériques, sombres, incontrôlés, oisifs et sauvages. »

Miguel Ángel Tornero, La Noche en Balde, 2019.

Cette exposition reçoit le soutien de l’AC/E Acción Cultural Española0
Certaines œuvres de cette exposition ont été produites par le Centre d’art et de photographie de Lectoure.

Miguel Ángel Tornero, La Noche en Balde, 2019 (détail) © Miguel Ángel Tornero – courtoisie Juan Silió galería, Madrid – Ensemble de collages photographiques, formats variables

Anne-Charlotte Finel

« Jour/nuit, nature/culture, artificiel/naturel… On pourrait égrener ainsi les nombreuses dichotomies qui peuplent le travail d’Anne-Charlotte Finel. Néanmoins, loin de confrontations binaires et frontales, ses œuvres jouent au contraire de subtiles variations, d’infimes mouvements, parfois à peine perceptibles, qui en font toute la richesse et la singularité. Qu’elle filme ces espaces transitoires, à l’orée des villes, où la nature semble avoir repris ses droits, qu’elle s’intéresse à d’impressionnantes architectures scintillant dans la nuit, ou observe au plus près des phénomènes naturels ou scientifiques, Anne-Charlotte Finel parvient toujours à transcender les images saisies. […] Sans basculer vers l’abstraction – certaines de ses vidéos permettent d’ailleurs d’échafauder une amorce de narration –, Anne-Charlotte Finel instaure un rapport sensible et sensoriel à son travail, qui nous amène parfois aux confins de l’imaginaire. Cette sensation d’être happé, absorbé par l’œuvre, s’origine dans sa manière de filmer. En poussant la technique dans ses retranchements, elle parvient à donner une réelle matérialité aux images, jusqu’à laisser parfois apparaître motifs, textures ou patterns. L’artiste est également très attentive aux bandes-son qui accompagnent ses films. Elle travaille ainsi depuis plusieurs années avec le musicien Luc Kheradmand à la création de nappes sonores qui viennent souligner la dramaturgie des images. »

Extraits du texte d’Antoine Marchand écrit à l’occasion de l’exposition personnelle d’Anne-Charlotte Finel Des sirènes au fond des prunelles, Centre d’art Le Lait, Albi, 2019.

Les œuvres présentées à Lectoure sont prêtées par la galerie Jousse Entreprise, Paris.
Certaines œuvres de cette exposition ont été produites par le Centre d’art et de photographie de Lectoure.

Anne-Charlotte Finel, TÊTES, 2021 © Anne-Charlotte Finel – courtoisie galerie Jousse Entreprise, Paris – Vidéo DV couleur, 5 min 36, musique de Voiski

À la halle aux grains

Une boîte dans la boîte. À la Halle aux grains, il est question de chemins et de cabanes, de lieux-dits, d’auto-constructions, d’abris, de refuges et d’utopies. Tourner autour d’une boîte avec les imaginaires de Valérie du Chéné, Nicolás Combarro, David Coste et Miguel Ángel Tornero qui posent des extérieurs comme des décors — et y entrer. Entrer dans la boîte et sauter dans La Vie en RoseRock de Thorsten Brinkmann, comme saute expressément le lapin blanc d’un monde à l’autre. Plonger à l’intérieur et découvrir valser Richard Wagner et ses personnages, un presse-agrume, Les Monty Python, un dragon, Superman, Dark Vador et DADA. Prêt ?

Thorsten Brinkmann

L’artiste allemand Thorsten Brinkmann est connu pour ses œuvres qui oscillent entre les genres de la photographie, de la sculpture, de la performance et de l’installation. Outre ses autoportraits photographiques mis en scène, il incorpore également des sculptures, des objets composés à partir de divers objets du quotidien, trouvés dans les marchés aux puces, les déchets encombrants ou les décharges – seaux métalliques, tringles à rideaux, bols, coquetiers, cages à oiseaux, balais, réfrigérateurs, accessoires et vêtements mis au rebut – en assemblages inattendus générant des narrations mystérieuses qui donnent vie au paradis de Brinkmann, le transformant en un lieu mystique qui reste ouvert à l’interprétation et à l’ambivalence. Les œuvres réalisées jouent avec les genres artistiques classiques que sont la nature morte, le paysage, la sculpture et proposent avec humour un réseau dense de références à l’histoire de l’art et à la pop-culture. Ces grandes installations nous font prendre conscience de l’interface entre le familier et l’inattendu, entre l’imaginable et le jamais imaginé.

Thorsten Brinkmann, Dragonal Pfaff, 2013 © Thorsten Brinkmann & VG Bildkunst – Courtoisie Hopstreet Gallery, Bruxelles et Galerie Anita Beckers, Francfort-sur-le-Main – Tirage chromogénique encadré, 130 x 155 cm

Valérie du Chéné

« Valérie du Chéné fabrique des récits et s’interroge sur les rapprochements ou interactions de l’espace et de la couleur. Ses gouaches et installations construisent son œuvre, se souviennent de Sonia Delaunay et Tadao Ando. Ses sculptures d’assemblages rappellent le travail du sculpteur et cinéaste Robert Breer, pratiquant sans a priori le trait, l’approche du volume et le cinéma d’animation. Ainsi, c’est aussi sans a priori, que Valérie du Chéné pour chacun de ses projets, analyse des faits de son quotidien, essayant de trouver une logique à leurs fonctionnements. C’est avec une grande liberté qu’elle élabore des rencontres prenant la forme de protocoles qu’elle allie à sa pratique du béton et du graphisme. Cette artiste produit une œuvre dans un indissociable rapport à l’autre et au paysage car « C’est sa manière de faire ! » pour reprendre les mots de Didier Semin dans un texte qu’il lui a consacré en 20101.

Composé de 37 dessins, cet ensemble appartient à LIEUX DITS […]. Soixante-six témoins volontaires ont été interrogés sur leur relation particulière à un endroit de leur choix. Ces entretiens ont donné lieu à la production de 80 gouaches et 60 dessins sur papier et à la réalisation d’une peinture murale […]. »

1. Valérie du Chéné, Lieux dits, Éditions Villa Saint Clair, 2010

Valérie Mazouin, 2012 (extraits).

L’œuvre présentée à Lectoure est prêtée par Les Abattoirs / Musée Frac Occitanie Toulouse.

Valérie du Chéné, Lieux dits, La peinture murale, 2011 © Valérie du Chéné – Collection les Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse – photographie François Deladerrière (vue d’exposition au Centre d’art contemporain Chapelle Saint-Jacques à Saint-Gaudens)

Nicolás Combarro

« La série Spontaneous Architecture part d’une vision particulière de l’architecture contemporaine informelle et abordable : des constructions générées de manière libre, non réglementée et spontanée. L’observation, la documentation et l’étude de ces bâtiments ont produit un ensemble diversifié de travaux. Une collection de formes architecturales déterminées par leur propre contexte immédiat, capturées au moyen d’une vision documentaire. Une archive rassemblée autour du concept d’architecture et de résistance, composée de constructions dans lesquelles une logique structurelle est combinée à un héritage culturel. Une architecture libre de représenter en elle-même une forme de résistance contre des déterminants esthétiques ou socio-économiques, ou qui résiste simplement, malgré l’oubli, voire le mépris.

Les photographies de cette série subissent différentes transformations : interventions picturales, collages et dessins qui cherchent à décontextualiser et à déconstruire les bâtiments afin d’abstraire leurs formes et de transformer leurs structures de base. L’ensemble de la série constitue une sorte de laboratoire architectural, parfois même à certains moments un cabinet de curiosités, dans lequel les structures et les formes jouent un rôle central. »

Nicolás Combarro, extraits du texte Dialogues avec l’architecture.

Cette exposition reçoit le soutien de l’AC/E Acción Cultural Española.

Nicolás Combarro, série Arquitectura Espontánea © Nicolás Combarro – Ensemble de 60 photographies encadrées, 30 x 42 cm chaque

David Coste

David Coste construit des territoires alternativement utopiques, hétérotopiques ou dystopiques, dans une oscillation constante entre réalité et fiction. La circulation et la réinterprétation des images sont au fondement de sa démarche, qui se déploie dans une convergence des pratiques du dessin, de la photographie et de l’installation. Souvent développées sur une échelle architecturale de grande ampleur, ses images de décor sont présentées dans des intérieurs et extérieurs spécifiques prolongeant ainsi ses questionnements sur la fiction, le réel et le cinématographique. Ses productions traitent souvent des paysages étranges modelés par l’homme pour et par les industries culturelles et touristiques. Pour L’été photographique 2022, il présente un nouveau projet, Rémanence futur, qui s’ancre dans une recherche sur les rapports entre fiction, science-fiction, images de cinéma de genre et lieux intermédiaires que sont le centre d’art ou les décors de films. L’image y est abordée comme un lieu ayant sa réalité propre, sa frontière et son pouvoir de suggestion vers d’autres mondes. L’artiste joue sur le paradoxe entre espace tangible, sensible, imaginaire et praticable. Le seuil des images n’est plus infranchissable mais un espace à explorer, tout en ayant conscience d’être à la fois ici et là-bas.

Certaines œuvres de cette exposition ont été produites par le Centre d’art et de photographie de Lectoure avec le soutien du laboratoire Photon Toulouse.

David Coste, Rémanence futur n°7, 2022 © David Coste – Tirage jet d’encre encadré, 30 x 20 cm