Arno Brignon et Gabrielle Duplantier

Gabrielle Duplantier, série Terres basses, 2017

L’exposition réunit deux photographes, Arno Brignon et Gabrielle Duplantier, qui se connaissent et se ressentent sans nul besoin de s’expliquer et pour qui la photographie constitue un moyen d’être dans le monde. Leur travail photographique donne une place de choix aux émotions, à la poésie du quotidien, aux petits riens et laisse respirer la subjectivité des vivants.

Leurs écritures photographiques respectives posent un regard indompté sur le réel, ébranlant ses systèmes de représentation habituels. Dans leurs photographies ils laissent la place au mouvement, distordent, décentrent les cadrages. Ils ont aussi en commun une photographie souvent granuleuse, où les limites entre le net et le flou sont indécises. Ils partagent cette dimension instinctive de l’expérience et des ressentis, une authenticité du geste liée au lâcher-prise pour l’un et à l’urgence de la prise de vue pour l’autre. Si cette photographie qu’ils expérimentent en continu touche les gens, c’est aussi qu’elle s’adresse à notre part animale, instinctive, pour mieux la bouleverser.

Les photographies de Gabrielle Duplantier présentées au centre d’art sont issues de plusieurs séries et périodes : Voltar a Portugal, Floriane L., Portrait I et II, Pays basque, Figures et petites fictions.
Gabrielle Duplantier campe un univers en noir et blanc qui l’aide, dit-elle, à créer une distance avec le réel, à ouvrir vers un espace sauvage originel, un monde féminin en prise avec la nature, un monde tortueux, en marge, énigmatique, qui capture les mouvements autant que les accidents de la vie. Sans doute l’expérience d’une enfance passée dans une grande et ancienne maison des Landes, au milieu d’une nature encore sauvage, entre forêts et marais, peut expliquer cette approche instinctive, poétique, dense et abrasive de l’image photographique. à la fois brute, sincère, vibrante, éprouvante, son écriture photographique infusée aux ressentis a opté pour la rugosité de l’intuition. La photographie surgit et frémit, tremblote, parfois chancèle. Chargée émotionnellement, elle touche et remue l’inconscient des visiteurs. Un visage, un paysage, des lieux du quotidien, des lieux anodins deviennent extraordinaires, magiques, presque mystiques et réapparaissent tels des fantômes d’un passé lointain.

Dans la série Joséphine, toujours en cours d’élaboration (2009 – 2018), qui est présentée au centre d’art, la famille constitue un terrain de jeu ensorcelant. Arno Brignon devient ici spectateur, photographiant les à-côtés de sa vie de famille.
Il capte inlassablement les êtres qui lui sont chers et proches ; sa compagne Caroline, sa fille Joséphine. Il suggère des bribes de vie, son quotidien et son intimité, le temps qui passe et ne reviendra pas, entre fantôme et disparition. Dans son travail d’artiste, l’écriture est devenue une étape essentielle à la construction des images, leur conférant de nouvelles dimensions, leur apportant des trames narratives inédites, une autre lecture, une pensée.


Arno Brignon

Arno Brignon est né en 1976 à Paris. Il vit à Toulouse.

En 2010, diplômé de l’ETPA (grand prix du jury), Arno Brignon quitte son métier d’éducateur dans les quartiers sensibles pour se consacrer entièrement à la photographie. Il articule son travail entre reportages, recherches personnelles et enseignement aux ateliers de photographie Saint-Cyprien à Toulouse. Il mène également des actions éducatives auprès de différents publics et institutions. Son travail a fait l’objet d’exposition de nombreuses expositions en France et à l’étranger. On peut citer entre autres l’été photographique de Lectoure et le festival l’œil urbain à Corbeil-Essonnes en 2018, le festival Fotolimo à Portbou et à la villa Tamaris à La Seyne-sur-Mer en 2017, le Fotofestival de Cluj et Photomed à l’Institut Français à Beyrouth en 2016, Fotoistanbul en 2014. Il a également pris part à plusieurs résidences ; à Lectoure en 2018, en Pays du Couserans (Ariège) ainsi qu’à Aussillon (Regards et Mémoire), résidences débutées toutes deux en 2015. Arno Brignon est membre de l’agence Signatures, maison de photographes. Il collabore régulièrement avec la presse nationale et Internationale. Il a publié trois ouvrages significatifs : Based on a true story (éditions Photopaper, 2017), Ancrage (éditions de Juillet, 2014) et une monographie Joséphine éditée par le Château d’eau à Toulouse en 2014.

Joséphine (2009 – 2018)
Texte d’Arno Brignon

1er juillet 2009, naissance de Joséphine.
Le doute et les peurs se mêlent à la joie et à la fierté. Avoir un enfant peut être la chose la plus simple du monde. Pour nous, ce fut long, improbable, unique. À la maternité, ils appellent cela une « grossesse précieuse ». C’est aussi un déséquilibre annoncé à notre vie de couple, une histoire d’amour à deux à reconstruire à trois. Depuis ce moment, je photographie notre famille. D’abord sans y faire attention, avec l’appareil qui me vient sous la main, Les planches contacts s’empilent. Apparaissent alors des photos qui vont à l’inverse d’une photographie de famille qui, comme Bourdieu la qualifie, « n’est conviée que pour ces bons moments qu’elle transforme en bons souvenirs ». Je mets ces photos de côté, celles aussi où l’étrangeté transpire. La série se construit, mais la suite devient moins spontanée : je cherche la bonne photo. Alors j’arrête.
Joséphine a 6 ans aujourd’hui et les doutes se sont dissipés. L’amour est une évidence. La peur de la mort en est une autre. Je vis avec les deux. Le cocon familial s’effrite avec l’entrée à l’école. Je reprends l’appareil. Je photographie Joséphine, dans une lutte qui semble perdue d’avance, pour qu’elle ne m’échappe pas trop vite, pour que la fusion douce et amoureuse de ce microcosme à trois perdure. J’y ai trouvé ma place. Le temps passe et je peux enfin dire que plus rien ne s’oppose à la nuit, rien ne justifie… et qu’il me reste tout à oser.

arno-brignon.fr


Gabrielle Duplantier

Gabrielle Duplantier est née en 1979 au Pays basque. Elle vit à Bayonne.

Passionnée de photographie depuis son jeune âge, elle réalise un certain nombre de séries alors qu’elle effectue ses études en peinture et histoire de l’art à la faculté des Arts Plastiques de Bordeaux. C’est en 2002, de retour au Pays basque, avec son diplôme en poche, qu’elle commence à entreprendre un travail personnel plus fouillé en photographiant des paysages et des personnes qui la fascinent. Gabrielle Duplantier cite volontiers deux photographes pour la liberté et l’audace qu’ils transmettent dans leurs images : Julia Margaret Cameron et Mickael Ackerman. En 2003, elle est lauréate du Grand concours Agfa et en 2008 du concours Actuphoto. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions. On peut citer Terres Basses à la galerie Confluence à Nantes et Eyes Wild Open / About a trembling photography au musée Botanique à Bruxelles en 2018, Regard sur le Pays basque à la bibliothèque de Bordeaux, Volta à l’Espace Saint-Cyprien à Toulouse, Jeunes-Génération (Commande publique CNAP / Cétavoir) à la Villa Pérochon à Niort et au festival de Sète en 2017. En 2012, le travail de Gabrielle Duplantier figure dans MONO, édité par GOMMA books, monographie de photographes noir et blanc internationaux tels qu’Anders et Petersen, Mickael Ackerman, Trent Park ou Roger Ballen. Elle a publié en 2018 Terres Basses aux éditions Lamaindonne, maison d’éditions avec laquelle elle avait déjà collaboré pour le livre Volta en 2014.

gabrielleduplantier.com


Jours et horaires d’ouverture

Du 23 février au 5 mai 2019.
Du mercredi au dimanche, de 14h à 18h.
Fermé le 1er mai.
Entrée libre.


Documents disponibles

Dossier de presse
Dossier pédagogique
Guide ludique