Tire moi le portrait, je te dirai qui tu es

Valérie Mréjen, « Cadavres exquis », 2013 © Valérie Mréjen / ADAGP

Laure Ledoux et Valérie Mréjen

S’identifier, se connaître. Mais aussi identifier, reconnaître : historiquement, c’est la question de l’identification – classement et contrôle social – qui occupe la première production de portraits photographiés. Objet devenu ordinaire, commun à tous, le portrait occupe une grande place dans le décor contemporain de nos existences. En témoigne depuis quelques années,  la pratique récurrente et obsessionnelle du selfie, véritable phénomène de société tout en étant devenu aussi processus de communication et outil identitaire.  Dans la pratique du portrait qu’il soit photographié ou filmé, ce n’est pas un regard unique, mais deux regards qui s’expérimentent réciproquement. Il est question d’un rendez-vous mais aussi d’une négociation de deux désirs, celui du photographe et du photographié, du réalisateur et de l’acteur.

Laure Ledoux pratique cet art subtil et merveilleux du portrait photographié, entre sobriété et rigidité des poses attachant une attention particulière sur les visages. A Lectoure, Laure Ledoux s’est intéressé à des jeunes boxeurs mais aussi à des groupes d’adolescents rencontrés lors de pérégrinations multiples pendant sa résidence de création. L’incroyable présence des adolescents, la force de leurs regards, tout se passe dans les visages et l’attitude. Protocole de prise de vue défini, minimisation du contexte, du décor, Laure Ledoux donne rendez-vous à ses modèles, les met en scène, leur propose de revêtir des vêtements trouvés, chinés, achetés, des vêtements qui ne leur appartiennent pas et qu’ils découvrent lors du rendez-vous. Cet état de fait métamorphose leur présence au monde et conduit à un trouble, un état d’abandon de leurs vigilances, de leurs résistances.
L’exposition réunit des photographies de la série « Kaamos », de la série « Les yeux sombres » ainsi qu’une sélection de portraits d’adolescents produits spécialement dans le cadre de sa résidence au Centre d’art et de photographie de Lectoure entre novembre 2016 et février 2017.

Plasticienne, cinéaste et écrivaine, Valérie Mréjen alterne projets littéraires, vidéos et films pour explorer les potentialités du langage, des mots à travers la collecte des clichés qu’elle s’approprie, qu’elle assemble et qui mettent en lumière  à la fois la banalité et la singularité des histoires et des expériences vécues. Elle utilise l’idée du portrait comme un exercice d’auto-contemplation, d’introspection dans les méandres de sa personnalité. Ses œuvres sont souvent inspirées d’histoires familières, de souvenirs d’enfances, d’adolescences,  d’événements de sa réalité quotidienne, de détails cruels et burlesques de l’existence, de lieux communs, de clichés, de malentendus… Une manière de passer par les autres pour arriver à soi, de passer par soi pour arriver aux autres.

L’exposition réunit un ensemble de vidéos qui ressemblent à une forme de portraits parfois d’anti- portraits filmés et forment souvent des images type tableau-vivant. Dans la vidéo intitulée « Portraits filmés » (2002), elle recueille sous forme anecdotique les récits des souvenirs, des récits très factuels, des souvenirs d’amis et de connaissances en prenant bien soin de ne pas aller jusqu’à leurs émotions. La dimension anecdotique empêche jusqu’à un certain point de s’approcher des autres. La très courte vidéo « Vraiment » (2014) évoque notre relation à notre propre image, banalité de notre intimité, à la fois effrayante et rassurante. Dans les portraits d’enfants en vidéo qui possèdent une dimension plus directe comme « La peau de L’ours », « Cadavre exquis », « Princesses », elle s’intéresse au rapport qu’entretiennent les enfants avec le langage. Ces derniers s’interrogent sur le sens des mots qu’ils ont inventés, ils tentent de relater l’histoire de films qu’ils ont pu voir. Dans « Voilà, c’est tout », il s’agit de portraits d’adolescents qui imaginent leurs futurs, leurs rêves et leurs espoirs. Les récits révèlent les personnes, les anonymes deviennent familiers.


Laure Ledoux

Laure Ledoux est née en 1986 à Niort. Elle vit à Pantin. Elle est diplômée de l’Ecole européenne supérieure de l’image de Poitiers (DNAP) et de l’Ecole nationale supérieure de la photographie d’Arles (Master). Elle est lauréate du concours UPP-Découverte en 2012, de la bourse d’aide à la création du Conseil Général Nord-Pas de Calais en 2013. Ses travaux ont fait l’objet d’expositions à la Maison des Arts à Grand-Quevilly en 2016, à la projection Jeune Création, galerie Thaddaeus Ropac à Paris en 2015, à la galerie du Club des directeurs artistiques à Arles en 2014.

laureledoux.com


Valérie Mréjen

Valérie Mréjen est née en 1969 à Paris, elle vit à Paris. Diplômée en 1994, Valérie Mréjen a étudié à l’Ecole nationale supérieure d’arts de Cergy-Pontoise. Elle s’intéresse dès ses débuts à différents moyens d’expression pour mieux explorer les possibilités du langage. Elle commence par éditer quelques livres d’artiste avant de tourner ses premières vidéos. Ses travaux ont fait l’objet de nombreuses expositions en France et à l’étranger, notamment au Jeu de Paume en 2008. Elle a réalisé plusieurs courts-métrages, des documentaires (« Pork&Milk », 2004 ; « Valvert », 2008) et un premier long-métrage de fiction, « En ville », co-réalisé avec Bertrand Schefer et sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en 2011). Elle a réalisé « Enfant chéri » en 2016. Elle a publié plusieurs récits : « Mon grand-père », 1999 ; « L’agrume », 2001 ; « Eau sauvage », 2004 – aux éditions Allia – et « Forêt noire », 2012  et « Troisième personne », 2017 aux éditions P.O.L.

valeriemrejen.com
annesarahbenichou.com


Jours et horaires d’ouverture

Du 18 mars au 21 mai 2017.
Du mercredi au dimanche, de 14h à 18h.
Entrée libre.


Documents disponibles

Dossier de presse
Revue de presse de Valérie Mréjen

Guide ludique de l’exposition
Dossier pédagogique