Tierra Mágica

Exposition de Yannick Cormier en partenariat avec le musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône.

Co-commissariat : Anne-Céline Borey et Marie-Frédérique Hallin.

Yannick Cormier, Tierra Mágica, Riofrío de Aliste, 2019 © Yannick Cormier

L’exposition Tierra Mágica est une plongée dans les rituels et les mascarades du Nord-Ouest de l’Espagne et du Portugal. Le photographe Yannick Cormier invite les spectateurs aux frontières du visible et de l’invisible à travers des traditions venues de temps anciens, rappelant le lien indéfectible de l’homme à la nature : « Ainsi surgit l’homme sauvage au sein du paganisme moderne comme pour symboliser la renaissance de la nature émergeant de l’hiver. » Mais ce parcours parmi les liesses carnavalesques témoigne aussi de formes de résistance : transgression de l’ordre social établi, contestation politique pendant la période franquiste, et aujourd’hui, opposition à l’uniformisation imposée par nos modes de vie contemporains.

C’est comme dans un cauchemar fiévreux. Comme dans un rêve étrange. Dans la brume au petit matin, il semble que les arbres prennent forme humaine, que des buissons surgissent sur deux jambes et fendent l’air dans une marche déterminée, que les tissus humains deviennent écorce, ou bien l’inverse. Ailleurs, des êtres cornus, recouverts de peaux animales, de plumes, parfois de sang, masqués de figures grimaçantes, forment une cohorte à laquelle on se mêle avec crainte, avec fascination, ou encore avec enthousiasme. Parfois ces créatures surgies d’un passé lointain tyrannisent les passants, simulent l’enlèvement de jeunes femmes, ou feignent de s’affronter entre elles. Parfois elle se laissent pourchasser, sont malmenées par la foule puis jugées par un tribunal dont le verdict tombe sans surprise : à la tombée du jour, elles disparaitront dans un feu de joie.

Le photographe Yannick Cormier s’immerge dans les rites carnavalesques du Nord-Ouest de l’Espagne et du Portugal d’une manière qui lui est tout à fait propre : pas de protocole établi, d’idées préconçues, de prétention esthétisante ou de volonté d’inventaire. D’autres l’ont fait bien avant lui en photographie. Les anthropologues du XIXème siècle fixent avec systématisme la face et le profil, inventoriant les masques, parures et costumes, et réduisent ainsi au folklore les rites ancestraux. Bien plus récemment, des répertoires photographiques aussi méticuleux que spectaculaires, dressés avec méthode et rigueur technique, font ressurgir ces figures dans le présent de manière presque anachronique.

Mais les images dont il est question ici sont faites pour aller au-delà, à la frontière du visible et de l’invisible, des peurs et des espérances, des croyances païennes et religieuses. Des photographies indociles, mouvementées et transgressives, empreintes de la pulsation de la foule, révélatrice des forces vitales à l’origine du carnaval. Avec elles, Yannick Cormier entraîne le spectateur dans le tumulte de l’étrangeté de ces fêtes, qui ont toutes pour point commun de jalonner le temps, de transgresser l’ordre établi, et de rappeler à la société son lien intangible avec la nature. Les saisons se succèdent, la vie renaît perpétuellement. La mort, aussi tragique qu’elle soit, en est une des composantes. Le photographe entremêle ces défilés de personnages, telles des visions fantastiques, à des paysages archétypaux. Des forêts qui pourraient en être les matrices, les ventres, mais aussi les lieux où ces créatures inquiétantes se fondraient pour disparaître.

Interdites par le régime franquiste en 1937, car propices aux désordres et à la rébellion, ces festivités ne furent jamais officiellement réhabilitées depuis. Elles prennent alors un caractère de résistance politique et culturelle. Restées vivaces, elles deviennent aujourd’hui, par le hasard des événements, synonymes d’une nouvelle insoumission. Celle d’individus mués par le désir de ne faire qu’un seul corps, de fêter, de s’ébattre dans la foule au plus près les uns des autres, dans un lâcher prise salvateur.

Anne-Céline Borey (musée Nicéphore Niépce)

Yannick Cormier, Tierra Mágica, Cucurrumachos de Navalosa, Espagne, 2019 © Yannick Cormier

Les tirages de l’exposition ont été réalisés par le laboratoire du musée Nicéphore Niépce sur papier Canson Infinity Baryta Prestige 340 g. Le musée tient à remercier Canson et la société des Amis du musée Nicéphore Niépce.

Les très grands formats ont été réalisés avec le soutien et par le laboratoire Photon Toulouse.


Yannick Cormier

Yannick Cormier est né en 1975 en France. En 1999, il rejoint le studio Astre à Paris. Pendant cette période, il travaille en tant qu’assistant de Patrick Swirc, William Klein et bien d’autres pour des magazines tels que Vogue, Flair, Elle, Vanity Fair. Puis il entame une carrière de photographe documentaire et ses images sont diffusées dans des médias français et internationaux tels Libération, Le Nouvel Observateur, Courrier international, The Guardian, The Hindu, CNN…

Installé en Inde entre 2003 et 2018, il poursuit ses recherches photographiques tout en développant de nouvelles activités. En 2007, il fonde ainsi Trikaya Photos Agency, basée à Chennai [Tamil Nadu]. Cette agence est conçue comme une plateforme collaborative de photographes établis en Inde, ayant pour préoccupation commune les questions politiques, sociales, culturelles d’une société se métamorphosant perpétuellement sous leurs yeux. Entre 2011 et 2016, Yannick Cormier est également commissaire d’expositions pour les festivals Chennai Photo Biennale et Pondy Photo [Pondichéry].

Fasciné par une culture qu’il découvre au long cours, le photographe se consacre pendant toute cette période au vaste projet de documenter les rites, célébrations, fêtes dravidiennes [du sanskrit « drâvida », qui désigne les peuples occupant le sud de l’Inde].
Au Tamil Nadu, dans le sud de l’Inde, les traditions les plus lointaines et les plus anciennes sont restées intactes plus que nulle part ailleurs. Les puissantes présences des esprits et des dieux vivants s’incarnent sous les masques, dans les corps qui s’abandonnent au moment du rite et dans les dépouilles animales lors des sacrifices. Des personnages dont on ne sait plus s’ils sont des hommes, des dieux ou des esprits, surgissent dans leur évidence, réels et divins, naturels et surnaturels. Des hommes et des femmes en transe s’enfoncent dans les ténèbres en pleine lumière…
Cette immersion donne finalement lieu à une photographie suggestive plus que descriptive, laissant une grande place aux sensations éprouvées par l’auteur, entre fascination, stupeur et exaltation. Ce travail est publié en 2021 sous le titre Dravidian Catharsis, aux éditions Le Mulet. L’intérêt de Yannick Cormier pour les liesses populaires, les traditions anciennes et la persistance de rituels archaïques trouve à son retour en Europe un nouveau terrain d’expression. C’est à travers des expériences carnavalesques vécues au Nord-Ouest de l’Espagne et au Portugal que son attirance pour ces formes de résistances à l’uniformisation du monde moderne va à nouveau se révéler. Tout comme son sujet, à mi-chemin entre sacré et profane, mysticisme et paganisme, l’auteur va explorer ces festivités et en livrer une vision entre fiction et réalité, dans l’ouvrage Tierra Mágica publié en 2021 aux éditions Light Motiv. C’est sous le titre Pagan Poem qu’il poursuit actuellement ses recherches sur les frontières entre le réel et le spirituel.

yannickcormier.com


Infos pratiques

Exposition du 25 février au 7 mai 2023.
Au Centre d’art et de photographie de Lectoure.
Ouvert du mercredi au dimanche de 14h à 18h, entrée libre.


Événements associés 

Vernissage le samedi 25 février à 11h, en présence de l’artiste.
Lectures et dégustation de vins le samedi 28 mars à 17h.
Discussion avec l’artiste le vendredi 31 mars à 18h30. 
Conférence de Dominique Pauvert le vendredi 14 avril à 18h30.


Documents disponibles

Dossier de presse
Guide ludique
Dossier pédagogique